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Le Monde selon Modi
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Ce portrait éloquent du Premier ministre indien, le nationaliste hindou Narendra Modi, décrypte les rouages d'un pouvoir aux ambitions immenses et redoutables.
Jamais l’Inde n’avait été aussi puissante sur la scène internationale. Jamais non plus "la plus grande démocratie du monde", selon un cliché toujours en vigueur, n'avait mis en œuvre une politique aussi ouvertement nationaliste, pro-religion (en l’occurrence l’hindouisme) et autoritaire que celle du Premier ministre Narendra Modi, chef de file du BJP (Bharatiya Janata Party, ou "Parti indien du peuple", nationaliste hindou). Triomphalement réélu en mai 2019, après avoir succédé en 2014 aux soixante ans de règne de la dynastie des Nehru-Gandhi, il a méthodiquement bâti un pouvoir qu'il ne cesse de renforcer, avec une double revanche à prendre sur l'histoire : restaurer ce qu'il présente comme la pureté originelle de l'Inde d’avant les invasions mogholes et britanniques, et lui conférer une place centrale dans l'ordre international. Selon lui, "le XXIe siècle sera le siècle de l’Inde", forte de son 1,3 milliard d'habitants − dont près de 15 % de confession musulmane, que son fidèle et sulfureux second, le ministre de l'Intérieur Amit Shah, n'hésite pas à qualifier de "termites"…
Double langage
Quels sont le parcours, la stratégie et les valeurs de cet animal politique septuagénaire champion des réseaux sociaux et du double langage, qui se pose tour à tour en gourou pacifiste et en chef de guerre brutal ? Quelles sont les bases et les limites de son pouvoir ? De sa formation au sein de la milice ultranationaliste du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh, ou "Organisation volontaire nationale") à son adoubement sur la scène internationale, par le biais de l'alliance "Indopacifique" destinée à contrer la Chine, Sophie Lepault décrypte l'homme et son projet, grâce à des archives et des témoignages également éloquents. Un chemin qui passe par le "laboratoire" du Gujarat, l'État où il est né et où, de 2001 à 2014, il a forgé les bases de son programme, entre ultralibéralisme économique et ciblage des minorités. Une enquête en forme de portrait, aussi nuancée que documentée, avec, entre autres, l'écrivaine Arundhati Roy, l'anthropologue Mukulika Banerjee, le politiste Christophe Jaffrelot (L'Inde de Modi : démocratie ethnique et national-populisme, Fayard), le journaliste Kapil Komireddi, qui a publié au Royaume-Uni et en Inde un livre dénonçant la "République malveillante" du BJP, ou encore le biographe de Modi, Nilanjan Mukhopadhyay (Narendra Modi: The Man, The Times).