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Vous ne connaissez rien de moi
Livre numérique
Edité par JC Lattès - 2023
« Aujourd’hui, vous m’avez rasé le crâne, vous m’avez marquée au fer rouge et maintenant vous m’insultez comme une chienne. Mais vous ne me détruirez pas. Vous n’aurez pas cette étincelle qui me pousse à continuer, envers et contre tout. Car, aujourd’hui, encore plus qu’hier, je suis forte d’un trésor inestimable. Un trésor que beaucoup d’entre vous passerez toute une vie à chercher et n’obtiendrez jamais. J’ai aimé. Et j’ai été aimée. »Le 16 août 1944, à Chartres, le photographe Robert Capa a immortalisé une femme, tondue, le visage incliné vers son nourrisson, conspuée par la foule. Dans un roman bouleversant qui s'inspire de ce cliché, Julie Héraclès raconte le parcours d'une femme qui a collaboré pendant l'Occupation
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Une fille plutôt détestable
C'est la dernière phrase du livre, prononcée en son for intérieur par Simone, la narratrice, qui donne son titre au roman. Elle s'adresse aux habitants de Chartres – surtout des habitantes – qui l'accompagnent vers un sombre destin dans les rues de la ville tout juste libérée, l'agonissant d'injures. Mais nous, lecteurs et lectrices, nous savons tout d'elle, depuis sa naissance jusqu'à ce jour funeste d'août 1944 où elle défile sous les huées avec quelques autres femmes pareillement tondues et marquées au fer rouge pour avoir couché avec un soldat ennemi. Du moins savons-nous tout ce qu'elle veut bien nous dire, pourrait-on penser, mais elle ne nous cache rien de son ambition forcenée frisant l'aveuglement, de son désir d'échapper ou de mettre un terme à la régression que connaît sa famille depuis qu'elle, Simone, est capable de s'en rendre compte, de ses convictions pro-allemandes sans nuance, de son opinion ambivalente mais plutôt négative sur ses parents et sur sa sœur Madeleine. Madeleine : le pendant sensé de Simone, le seul personnage aimable du roman, avec Otto, bien sûr, le soldat allemand qui lui fera découvrir l'amour, ce sentiment dont Simone n'avait pas idée et qu'elle reportera sur sa fille, qui n'a que trois mois en août 1944. Dans un style sec, proche de l'expression orale populaire, souvent argotique (et quelquefois anachronique comme ce "plus minable, tu meurs" pioché au hasard), l'autrice réussit à nous accrocher avec l'autoportrait d'une fille plutôt détestable, se débattant dans un monde où la fange était, certes, omniprésente. D'une certaine façon, c'est une performance.
Elie Olivier - Le 12 octobre 2023 à 19:07