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Apocalypse Now redux
Vidéo numérique
La version longue et director's cut du film monstre, génial et fou de Francis Ford Coppola sur la guerre du Viêtnam, qui symbolise à la fois l'apothéose et l'agonie de la culture pop.
Dans une chambre d'hôtel de Saigon, le capitaine Willard délire dans une torpeur alcoolique quand il est emmené pour une mission secrète. L'état-major le charge d'exécuter un haut gradé, le colonel Kurtz, qui, après une carrière exemplaire, s'est retranché dans la jungle cambodgienne à la tête d'un bataillon de soldats autochtones et, devenu incontrôlable, mène sa propre guerre avec des méthodes "malsaines". Un petit bateau de la marine, manœuvré par un équipage de quatre hommes, doit permettre à Willard d'approcher Kurtz en remontant un fleuve à travers la jungle. Ce voyage à haut risque débute par le bombardement sauvage d'une zone côtière favorable au Viêt-cong par les hélicos du colonel Kilgore (littéralement "Tue-carnage"), au son de la "Chevauchée des Walkyries" de Wagner. "J'aime l'odeur du napalm, le matin…"
"This is the end, my friend..."
Un soldat jeune, déjà brisé, traverse en témoin les cercles de l'enfer, en autant d'étapes cauchemardesques, jusqu'"au cœur des ténèbres", où l'attend un reflet inversé de lui-même : un vieux soldat accusé de dérive sanguinaire, entouré de recrues tribales dont la sauvagerie ne diffère pourtant en rien de celle que le spectateur a contemplée dans le sillage du capitaine Willard. Orson Welles, le premier, avait voulu s'emparer du fascinant récit de Conrad avant de renoncer pour réaliser Citizen Kane. En transposant le livre à la guerre du Viêtnam, à la faveur d'un tournage apocalyptique (relaté dans le passionnant documentaire diffusé à la suite), Coppola, également coproducteur avec sa société Zoetrope, a tout risqué pour remporter la mise. Bien des séquences de son film ont remplacé les images réelles du conflit dans l'imaginaire contemporain, même chez ceux qui ne l'ont pas vu. À la fois apogée et tombeau de la pop culture, comme le fut cette guerre elle-même, cette fresque visionnaire, qui s'ouvre et se clôt avec la chanson hypnotique des Doors "The End", gagne encore en ampleur avec la scène d'une étrange douceur, coupée au premier montage, dans laquelle Willard et ses soldats perdus, comme s'ils remontaient le temps, accostent dans une plantation française fantomatique. Plus de quarante ans après la défaite américaine, le chef-d'œuvre de Coppola, incarné par des acteurs habités, garde aussi, au-delà de l'évocation d'un lieu et d'une époque, toute sa portée philosophique – l'homme qui aime et celui qui tue, comme le murmure Aurore Clément à l'oreille de Martin Sheen, sont les mêmes.